TU NE SAURAS JAMAIS raconte l’histoire de Paul Vincent, un vieil homme en fin de vie, enfermé dans sa chambre d’un CHSLD en temps de Covid. L’attente est longue. Le manque d’effectifs se fait sentir. Sans nouvelles de son amoureuse qui vit aussi dans la même résidence, Monsieur Vincent mettra tout en oeuvre pour la retrouver. Il sait qu’elle est encore en vie. Il doit la rejoindre.
Quel a été le tout premier flash qui t’est venu en amont du projet?
Je me vois encore: je me tenais au milieu des fougères, chez-nous. J’étais en train de sarcler des fleurs sauvages, près de l’écurie. J’ai soudain eu cette image d’un vieillard, dans une chambre, que je filmerais en temps réel: un vieux monsieur encabané, enfermé dans un CHSLD…
Tu as plutôt l’habitude d’écrire tes scénarios en solo. Celui-ci, tu l’as écrit en collaboration avec Julie Roy, qui est aussi une réalisatrice et ta conjointe à la ville.
Dès que j’ai eu cette idée, j’en ai parlé à Julie et lui ai demandé si ça lui tentait qu’on écrive le scénario ensemble. Écrire à deux comme ça, j’étais conscient que ce serait un avantage, parce que ça m’aiderait à ne pas me répéter. Julie, elle me connaît, et elle est capable de spotter mes tics ou mes lubies pas nécessairement appropriées pour cette histoire-ci. Par exemple, à un moment, je voyais la femme du protagoniste flotter au-dessus de lui comme un fantôme. Mais Julie m’a dit: «Non, t’embarques pas là-dedans. T’as voulu faire un exercice réaliste? Respecte ça». Julie est très forte pour maintenir un concept. Dans ce cas-ci, elle en a été la gardienne. Donc, elle me confrontait, mais dans le bon sens.
On était en plein confinement pandémique, faut pas oublier ça. Nous, on était en campagne, avec rien d’autre à faire que de trouver des activités pour les enfants; marcher dans le bois… Une fois que les enfants étaient endormis, on s’installait à la table, Julie et moi, et on écrivait. Je rédigeais un premier jet, elle un second, moi un troisième, elle un quatrième, etc. On se renvoyait la balle. Ça nous ébranlait vraiment, tout ce qui se passait, dans les CHSLD en particulier, et dans le monde en général. Mais bref, ç’a été un projet commun, d’amoureux, pendant la pandémie. Un projet d’amoureux qui raconte l’odyssée d’un bonhomme qui se révolte par amour…
Le film repose sur les épaules de Martin Naud, dans le rôle principal de monsieur Vincent. Il est fabuleux, mais à la base, recourir à un acteur non professionnel, c’était risqué, non?
Le voir jouer, ç’a été une leçon pour moi, en tant qu’acteur. Je me suis dit qu’on gagnerait à en faire moins, bien souvent; à être plus dans une économie du jeu. Il faut savoir qu’au début, j’imaginais Jean Lapointe [vedette d’À l’origine d’un cri] dans ce lit de CHSLD. Mais Jean n’aurait pas pu, à l’époque: j’en ai discuté avec son fils Jean-Marie [qui apparaît dans le film], et ça n’aurait pas été un cadeau à lui faire.
Eh puis… la certitude qu’il fallait que ce soit un acteur non professionnel s’est imposée. Parce que tous ces gens qui ont souffert, comme ce vieillard qu’on suit dans le film, c’était - ce sont - des personnes anonymes. Elles l’étaient et elles le demeurent. On en a fait grand cas, un scandale et tout ça, mais on est vite passé à autre chose. Je m’aperçois qu’en vieillissant, j’ai des préoccupations plus sociales, dans mes films. Ce film-ci est dans la lignée de Tuktuq: il a une dimension politique.
Tes films ont toujours une facture singulière et recherchée, peu importe que le budget soit, disons, «normal» (Saints-Martyrs-des-Damnés, À l’origine d’un cri, Les affamés), ou minuscule (À quelle heure le train pour nulle part, Tuktuq). Dans ce film-ci, tu as fait des choix visuels très précis et très inspirés.
Pour le ratio d’image, j’ai choisi le 4:3, qui est plus étroit, parce que je voulais un cadre qui, justement, évoquerait l’idée de confinement; un cadre qui serait suffoquant. Dans la même optique, on a fait plein de tests de caméra afin d’identifier une lentille, une seule, avec laquelle on pourrait filmer tout le film. On a trouvé la 28 mm, qui a elle aussi cette qualité «encabanante», anxiogène, que je voulais susciter à l’image.
C’est mon film qui ressemble le plus au scénario final. On a tourné dans la continuité, dans la chronologie du récit, ce qui est rare. Et chaque matin, je me levais à 5h00 et je faisais des croquis des plans à tourner ce jour-là, et je les envoyais ensuite à l’équipe.
Toujours sur le plan visuel, peux-tu développer sur les influences très éclectiques qu’on peut déceler dans le film?
Dès le départ, il y avait l’influence du peintre Edward Hopper, et des cinéastes Alfred Hitchcock et Chantal Ackerman. Hopper, c’était pour sa lumière. C’est une lumière qui a l’air réaliste, mais qui ne l’est pas tout à fait: c’est une lumière stylisée, très découpée. Elle crée des formes et des angles marqués, selon ce qu’elle frappe. Quand tu filmes une seule pièce, la lumière que tu y fais voyager, et la manière dont tu fais voyager celle-ci, ça devient quelque chose de très important. Aussi, je voulais que chaque plan fixe, en 4:3, soit comme une toile, un tableau. Je ne voulais pas faire un film hyper-réaliste ou pessimiste: je voulais qu’il y ait beaucoup de lumière dans l’image, et une part de poésie.
Vers la fin, quand le personnage défie la consigne et sort de sa chambre, Hitchcock embarque, parce que le suspense embarque; on change presque de film. Je constate que je reviens toujours aux même influences, de films en films. Je pense que s’il y a peut-être une dizaine de films qui nous ont réellement marqué dans notre vie, il n’y en a peut-être que cinq ou six, max, vers lesquels on retourne inlassablement. Dans mon cas, il y a Vertigo, d’Hitchcock. Encore là, les couleurs. Dans ce films-ci, je reprends entre autres ce vert caractéristique, qu’on a passé une journée à essayer de reproduire; ce plan en silhouette… C’est des hommages voulus.
Chantal Ackerman, c’est son chef-d’oeuvre Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, avec tous ces plans de gestes du quotidien qui durent et qui durent: l’épluchage de patates… Dans mon film, il y avait cette nécessité de faire durer certains plans jusqu’à l’extrême limite de la patience, parce que le personnage est confiné à cette pièce, avec le temps qui passe, lentement…
Il y aussi un clin d’oeil à Bela Tarr et à son plan d’ouverture de Damnation. Lui recule en filmant une gondole, moi je recule en filmant un mur nu, mais c’est là pour créer le même genre de vortex. J’ai aussi conçu ce plan d’ouverture très lent et très long par politesse pour les gens qui pourraient constater que ce n’est pas leur genre de film: ça leur donne l’opportunité de sacrer leur camp sans déranger les autres spectateurs. En retour, ces derniers pourront ensuite se laisser aller dans ce vortex, qui prend un certain temps à se mettre en place. J’avais utilisé une technique similaire au commencement d’À l’origine d’un cri, avec le plan sur l’aquarium.
Le mot de la fin par rapport à ce sixième long métrage?
Je suis conscient que ce n’est pas le genre de films qui va plaire à tout le monde, et j’assume pleinement ça. Je suis tellement content de l’avoir tourné, parce que j’ai tellement appris sur ce projet-là… T’sais, le jeu, être acteur, j’ai ça en moi. Ça me vient naturellement. Réaliser, ça ne me vient pas naturellement: c’est un art au sein duquel je suis en perpétuel apprentissage. Quand t’es pris pour raconter une histoire campée entre quatre murs, ostie que t’apprends des choses! J’ai appris à raconter en simplicité. J’ai appris à demeurer sobre à l’image, et précis dans le cadrage. C’est probablement le film sur lequel j’ai le plus appris, comme «élève en cinéma».
Robin Aubert est réalisateur, scénariste, acteur et auteur. De 1997 à 1998, sa participation à La Course Destination-Monde (Radio-Canada) est récompensée par le Prix du public, la Caméra d’argent et le Prix SODEC.
Son court métrage LILA a été sélectionné en compétition officielle au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand et s’est vu décerner le Prix de la meilleure fiction court métrage de l’année 2001 par l’Association québécoise des critiques de cinéma (AQCC).
Suite à sa présentation en première mondiale au Festival de Toronto/TIFF en 2005, son premier long métrage SAINTS-MARTYRS-DES-DAMNÉS remporte le Prix de la meilleure réalisation au Festival du film fantastique Fantasporto (Portugal) en 2006, puis le Prix du public au CinEnygma Film Festival du Luxembourg, en plus d’être vendu dans plusieurs pays dont l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Japon, le Brésil et les Pays-Bas.
En 2009, il réalise À QUELLE HEURE LE TRAIN POUR NULLE PART, un film expérimental et indépendant, tourné en Inde, sans scénario, avec pour seule équipe un directeur de production, une ingénieure du son et un acteur. Le film reçoit le tout premier Prix Gilles-Carle pour la meilleure réalisation d’un premier ou d’un deuxième long métrage de fiction.
En 2010, le drame d’auteur À L’ORIGINE D’UN CRI, reçoit un accueil chaleureux de la critique et fut sélectionné dans plusieurs festivals dont Toronto/TIFF, Pusan, Valladolid, Mannheim-Heidelberg, Seattle, Boston, Mons, Paris, Nîmes, Portland et Barcelone.
En 2014, il réalise le court métrage SUR LE CIMENT. Le film sera présenté au Short film Corner à Cannes, ainsi qu’au TIFF en Première nord américaine. Il remporte le « Prix du Jury » à Trouville-sur-mer et Le « Grand Prix National » au festival REGARD sur le court métrage au Saguenay.
TUKTUQ, un long métrage indépendant tourné en équipe réduite dans le Nunavik, remporte le Prix œcuménique lors du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue 2016 ainsi que le tout premier Prix REALS décerné par l'association des Réalisateurs et Réalisatrices du Québec (ARRQ).
LES AFFAMÉS, son 5e long métrage, est projeté en première mondiale au TIFF 2017. Il remporte plusieurs prix, dont le prix du Meilleur Film Canadien au Festival international de Toronto, le Prix du public au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal ainsi que le lauréat de 7 IRIS au Gala Québec Cinéma dont le prix du meilleur film et meilleure réalisation. Le film a été acheté pour une sortie en salle en Russie, en Chine et tout le territoire de l'Amérique latine. Par la suite, Netflix acquérais les droits pour les États-Unis et l'international.
TU NE SAURAS JAMAIS est son 6ème long métrage.
Julie est une scénariste et réalisatrice polyvalente. Autrice jeunesse prolifique, elle co-écrit notamment la série
NOMADES (6 prix
Gémeaux, un prix
Numix). Elle crée la série jeunesse musicale à succès
BARBADA (Tou.tv). En parallèle, elle agit comme cinéaste indépendante. Son court-métrage
LUZ, UN FILM DE SORCIÈRES s’illustre au Short Film Corner de Cannes, ainsi qu’au Marché Frontières de Fantasia, et remporte le prix du meilleur film surréaliste à Austin. Sa science-fiction féministe
SANG JAUNE remporte le prix du meilleur film à
Liverpool Film Festival. Sa plus récente œuvre
10 FEMMES AU TÉLÉPHONE (2022) entame son parcours avec la compétition officielle du festival REGARD. Plus récemment, elle coscénarise le long-métrage
TU NE SAURAS JAMAIS (Bravo Charlie). Elle planche actuellement sur un long-métrage de science-fiction (Camera Obscura), et une comédie sociale (TOU.TV).
Né le 12 novembre 1934 à St-Alban, Martin Naud est le 4e d’une famille de 8 enfants dont la mère est devenue veuve alors qu'il n’avait que 13 ans. Pour faire front à la pauvreté déjà installée dans la famille, Martin prend sur lui de commencer à travailler, malgré son jeune âge. Jeune enfant vaillant, il travaillera avec ardeur chez un cultivateur et dans les bois avec bûcherons et draveurs au cours de 3 étés.
Après avoir complété 5 années de cours classique, Martin se voit obligé de laisser ses études. Il décroche un emploi d’électricien et monteur de ligne pour lesquels il obtiendra ses licences. En août 1959, à pied levé, il accepte un poste d’enseignant au niveau secondaire, et par le fait même relève le défi difficile d’enseigner à des élèves de 7e, 8e, 9e et 10e année regroupés dans une même classe. Il en sera ainsi pendant quatre ans.
À l’approche de l’hiver 1963, en dépit de son âge plutôt avancé de 29 ans pour être admis dans la police, Martin est déterminé à tenter le coup. Le 23 décembre, il est embauché comme policier à la Ville de Montréal et y travaillera pendant 30 ans, dont 23 à la Section des incendies criminels. Il sera éventuellement promu sergent-détective et se spécialisera en enquêtes d’incendies. Il sera reconnu comme témoin-expert, et ainsi appelé à témoigner dans de nombreux procès relevant de maintes cours de justice à travers la province de Québec.
Il mènera, pendant 15 ans suivant sa retraite du corps policier, de nombreuses enquêtes pour le compte de compagnies d’assurance en tant qu’expert en enquêtes, origines et causes d’incendies.
Martin est un père comblé de 6 enfants dont leur mère fut son amoureuse pendant plus de 60 ans, jusqu’à son décès il y a de cela quelques années. De nombreux petits-enfants et 16 arrière-petits-enfants composent aussi sa famille dont les liens sont tissés fort serrés.
Amant de la nature, la chasse et la pêche furent des endroits de prédilection. Il adore le jardinage.
Outre sa passion pour le bridge, Martin se plait à écrire et distribuer des chroniques portant sur tous sujets confondus. Il a également écrit et publié un livre, Au Pays de mes Racines qui raconte son histoire et celle de son village. Il travaille en ce moment à l’écriture d’un second livre intitulé Ma vie et ses péripéties.
On pourrait dire que Martin Naud a touché à de nombreux autres métiers, tels charpenterie, soudure, mécanique, débosselage. Enfin!...
Véritable touche-à-tout qui aime relever les défis, Sarah Keita est née au Québec d’une mère québécoise et d’un père originaire du Mali. Depuis toujours elle s’intéresse à la création dans tous les domaines, le théâtre, la radio, le jeu, l’animation, l’écriture, le chant. En 2017, elle crée avec le collectif Les Intimistes plus d'une quinzaine de spectacles. Reconnue en 2021 pour son rôle de Maude dans Félix, Maude et la fin du monde sur Tou.tv, elle cumule les rôles dans plusieurs séries : Stat 2, Indéfendable, À cœur battant, Hôtel, Toute la vie 3, entre autres. Au grand écran, elle est de la distribution du film 23 décembre de Miryam Bouchard et du dernier long métrage de Robin Aubert : Tu ne sauras jamais..
ll est comédien, animateur, auteur, cinéaste, conférencier et sportif accompli. Homme engagé et homme de coeur, Jean-Marie Lapointe incarne la générosité et le don de soi. Présent dans l'espace médiatique depuis plus de 30 ans, il trouve la passion dans des projets qui lui permettent de mettre en lumière des personnes inspirantes et de faire le portrait de réalités trop souvent à l'ombre des caméras!
Marie-Hélène a fait des études en théâtre au collège Lionel-Groulx. Elle a codirigé la troupe Nuits d’encre jusqu’en 2011. Elle est aujourd’hui DJ, musicienne et conceptrice sonore. Au nombre de ses expériences elle compte aussi l’animation radio, la réalisation de podcasts, le montage sonore et la programmation d’œuvres cinématographiques en festival. Ces dernières années elle consacre la plupart de son temps à Louvoyons, son projet de musique électronique. Les beaux hasards de la vie l’ont ramenée au jeu le temps du tournage de Tu ne sauras jamais.
LISTE ARTISTIQUE
Un film de
Robin Aubert
Une production de
BRAVO CHARLIE
ROBIN AUBERT
JULIE ROY
MARTIN NAUD
SARAH KEÏTA
MARIE-HÉLÈNE BROUSSEAU
JEAN-MARIE LAPOINTE
LOUISE GOUGEON
GUILLAUME BAILLARGEON
MONIQUE SIROIS
Production
ÉTIENNE HANSEZ
LISTE technique
Images
STEEVE DESROSIERS
Direction artistique
COLOMBE RABY
Création des costumes
ÉRIC POIRIER
Maquillage et coiffure
JOSIANNE LACOSTE
Montage
Robin aubert
Son
Yann cleary
mélanie gauthier
stéphane bergeron
Distribution
Axia Films
Armand Lafond
armandl@axiafilms.com
www.axiafilms.com
Communications
Mingotwo
Mélanie Mingotaud
melanie@mingo2.ca
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